Le coup de gueule du philosophe André Comte-Sponville sur l'après-confinement

Le regard du Philosophe sur l'après-confinement
par France Inter publié le 14 avril 2020 à 17h10
Le célèbre philosophe, auteur du "Petit traité des grandes vertus" (Seuil), André Comte-Sponville a publié une vingtaine d’ouvrages et a partagé dans "Grand Bien Vous Fasse" son sentiment quelque peu alarmiste quant à la société de l'après-confinement.


"La mort fait partie de la vie"
André Comte-Sponville : "Il faut d'abord se rappeler que l'énorme majorité d'entre nous ne mourra pas du coronavirus. J'ai été très frappé par cette espèce d'affolement collectif qui a saisi les médias d'abord, mais aussi la population, comme si tout d'un coup, on découvrait que nous sommes mortels. Ce n'est pas vraiment un scoop. Nous étions mortels avant le coronavirus, nous le serons après. 
Montaigne, dans Les Essais, écrivait : 
Tu ne meurs pas de ce que tu es malade, tu meurs de ce que tu es vivant.
Autrement dit, la mort fait partie de la vie, et si nous pensions plus souvent que nous sommes mortels, nous aimerions davantage encore la vie parce que, justement, nous estimerions que la vie est fragile, brève, limitée dans le temps et qu'elle est d'autant plus précieuse. C'est pourquoi l'épidémie doit, au contraire, nous pousser à aimer encore davantage la vie. 
Et puis, André Comte-Sponville note que l'énorme majorité d'entre nous mourra d'autres choses que du coronavirus. Il faut quand même rappeler que le taux de mortalité, les experts en discutent toujours, mais c'est un ou deux pour cent. Sans doute moins quand on aura recensé tous les cas de personnes contaminées qui n'ont pas de symptômes"
"Est-ce la fin du monde ?"
André Comte-Sponville : "C'est la question qu'un journaliste m'a récemment posée. Vous imaginez ? Un taux de létalité de 1 ou 2 %, sans doute moins, et les gens parlent de fin du monde. Mais c'est quand même hallucinant.
Rappelons que ce n'est pas non plus la première pandémie que nous connaissons.
On peut évoquer la peste, au XIVe siècle, qui a tué la moitié de la population européenne. Mais on a rappelé récemment dans les médias, à juste titre, que la grippe de Hong Kong dans les années 1960 a fait un million de morts. La grippe asiatique, dans les années 1950, a tué plus d'un million de personnes. Autant dire beaucoup plus qu'aujourd'hui dans le monde. On en est à 120 000 morts. En France, les 14 000 morts est une réalité très triste, toute mort est évidemment triste mais rappelons qu'il meurt 600 000 personnes par an en France. Rappelons que le cancer tue 150 000 personnes en France. 
En quoi les 14 000 morts du Covid-19 sont-ils plus graves que les 150 000 morts du cancer ? Pourquoi devrais-je porter le deuil exclusivement des morts du coronavirus, dont la moyenne d'âge est de 81 ans ? Rappelons quand même que 95 % des morts du Covid-19 ont plus de 60 ans. 
Je me fais beaucoup plus de souci pour l'avenir de mes enfants que pour ma santé de septuagénaire.


Suite de l'interview  tout début Mai sur le thème :
"Attention à ne pas faire de la santé la valeur suprême de notre existence"
......La théorie du "pan-médicalisme" 
....
Comment essayer de contrebalancer les inégalités après le confinement ? 

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